mercredi 27 mai 2015

Jomini en ami russe, invitation ce jeudi

Portrait du général Jomini en ami russe

Antoine-Henri Jomini (1779 -1869) profite de l’armistice de 1813 pour accepter l’offre d’Alexandre Ier. (Sammlung Rauch/Interfoto/Keystone)
Antoine-Henri Jomini (1779 -1869) profite de l’armistice de 1813 pour accepter l’offre d’Alexandre Ier. (Sammlung Rauch/Interfoto/Keystone)
Passé du service de Napoléon à celui du tsar, le militaire vaudois est la vedette d’un documentaire russe. Le consul honoraire de Russie à Lausanne a financé le projet
Au palais d’Hiver de Saint-Pétersbourg, dans la galerie des héros des guerres napoléoniennes, c’est un peu l’intrus. Non seulement Antoine-Henri Jomini est étranger, parmi 332 généraux russes. Mais de plus il a fait la campagne de 1812 dans le camp ennemi, au côté de Napoléon, avant de passer chez le tsar.
Un récent film documentaire jette un regard russe sur ce célèbre militaire, stratège et transfuge natif de Payerne (VD). «Ce film est une manière de lui rendre hommage, car sa vie est un lien entre nos deux pays», explique Serguei Kossenko, chef de bureau du consultat honoraire de Russie à Lausanne, qui soutient le projet. Le film, diffusé lors d’une projection unique ce jeudi à Pully*, est l’une des dernières réalisations de Natalia Kamenetskaya, une productrice de renom décédée il y a quelques mois, et de son studio Natakam (Saint-Pétersbourg). Il a été réalisé par Constantin Kozlov.
Entre autres initiatives culturelles destinées à favoriser l’amitié russo-suisse, le financement du film, d’un montant non communiqué, a été assuré par Frederik Paulsen, industriel, explorateur et consul honoraire de Russie à Lausanne.
Sans sacrifier à la mode des reconstitutions, ce film retrace en quarante minutes, par un mélange traditionnel d’interviews et d’archives, les grandes lignes d’une vie et d’une œuvre aujourd’hui encore controversées.
«Il n’a jamais commandé, ses exploits militaires sont ses observations», précise d’emblée Jean-Jacques Langendorf avec sa franchise coutumière. Quant à savoir à quel point le coup d’œil jominien a influencé Napoléon à Eylau ou à Iena, l’historien militaire reste prudent. Pour Jürg Stüssi-Lauterburg, directeur de la Bibliothèque militaire am Guisanplatz, à Berne, Napoléon a indubitablement pu utiliser le talent de Jomini pour gagner la guerre contre la Prusse en 1806.
Les circonstances du changement de camp sont connues. Bloqué dans une promotion par son ennemi Berthier, Jomini profite de l’armistice de 1813 pour accepter l’offre du tsar Alexandre Ier, qui l’a déjà nommé général de brigade. L’agent militaire russe à Paris l’avait repéré: «C’est l’un des officiers français les plus instruits dans les grands principes de la guerre.»
L’année d’avant, Jomini a fait la campagne de Russie. Sceptique: «Vous n’avez qu’une armée, contre une autre armée et tout un peuple», dit-il à l’empereur des Français. Installé à Smolensk, comme gouverneur, il contribuera par sa connaissance du terrain à limiter les dégâts lors du passage de la Bérézina, déclare dans le film Arkadi Tcherepakhine, lieutenant général russe.
Un traître? Le colonel suisse Luc Monnier comprend qu’on puisse le voir comme cela, mais il faut savoir que Jomini avait été élevé dans l’admiration du service suisse à l’étranger et que l’on faisait alors carrière selon les possibilités d’avancement. On l’a accusé d’avoir transmis des informations aux Russes, mais c’était sans fondement. Napoléon lui-même, depuis Sainte-Hélène, lui avait pardonné.
Après 1815, Jomini tente de s’installer en Russie, en créant une colonie suisse à Odessa, mais sa méconnaissance de la langue lui nuit. Il vivra le reste de sa longue vie (1779-1869) à Paris, comme écrivain militaire, tout en gardant une forte relation avec l’empire des tsars. Il participe à la campagne de 1828 contre les Turcs. On le charge plus tard de créer la première école militaire supérieure russe, dont la direction lui échappera toutefois. En 1853, à 74 ans, on le consulte encore, sans toujours l’écouter, pour la guerre de Crimée.
La minute de propagande, dans ce portrait russe de Jomini, est gardée pour la fin. Le général avait tenu à ce que plusieurs de ses enfants s’établissent en Russie. L’un d’eux, le baron Alexandre Jomini, a œuvré durant cinquante ans dans la diplomatie. Une fois perdue la guerre de Crimée (1856), Jomini Junior est associé à la nouvelle doctrine de politique extérieure du ministre Alexandre Gortchakov. On loue son talent pour rédiger les documents diplomatiques, on lui attribue une phrase clé: «L’empereur est déterminé à concentrer sa sollicitude sur le bien-être de ses sujets et le développement des ressources intérieures, une activité qui ne sera déversée au-dehors que lorsque les intérêts de la Russie l’exigeront absolument.» «Un héritage doctrinal, conclut le film, qui reste fondateur de la politique extérieure de la Russie contemporaine.»
* Cinéma CityClub, Pully, jeudi 
à 19h. Réservation indispensable: 021 711 31 91. 
Information sur le film: info@vd-consulatrusse.ch

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/1e33936c-04aa-11e5-a2d8-dac5eea792f9/Portrait_du_g%C3%A9n%C3%A9ral_Jomini_en_ami_russe

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